Nous vous laissons avec l'interview que nous avons réalisée avec Jorge Tabanera, directeur artistique de Cathood. Jorge, également connu sous le nom de Gatotonto, nous raconte en détail le processus créatif derrière Cathood, ainsi que des anecdotes et aspects plus personnels. Découvrez l’une des figures incontournables du moment dans le secteur ludique espagnol.
1- Pourrais-tu te présenter à nos lecteurs ?
Je crois que la première chose que je dis toujours pour me décrire, c’est que je suis originaire de Ségovie. Depuis quelques années, je dis aussi que, au vue de l’espérance de vie, j’ai déjà passé vécu la moitié du jeu, et que ce que les gens disent que je sais le mieux faire, c’est dessiner. J’ai travaillé plus de 25 ans dans des agences de publicité, où j’ai fini par devenir directeur créatif, tout en menant en parallèle une activité d’illustrateur et de peintre. En plus de peindre, voyager, et faire d’autres choses, les jeux — et plus particulièrement les jeux de société — m'ont toujours passionné (j’ai d’ailleurs travaillé un temps à dessiner des personnages et à les animer pour des jeux vidéo). Toutes ces expériences, et surtout la chance d’avoir rencontré les bonnes personnes au bon moment, m’ont offert l’opportunité de vivre l’une de mes passions de l’intérieur.
2- Peux-tu nous expliquer l’origine de ton surnom "Gatotonto" (chat stupide en espagnol) ?
Vu mon âge, ce n’est pas surprenant d’avoir un surnom, et à l’époque où j’ai commencé à m’intéresser à Internet, personne n’utilisait son vrai nom. Tout le monde avait un pseudo, et on y mettait du cœur. J’ai simplement adapté le surnom qu’une amie m’avait donné : Gatotonto, car un jour elle m’a dit que ça me définissait bien (toujours de manière gentille). Parfois félin, parfois complètement à l’ouest.
3- Comment décrirais-tu ton style artistique, et comment a-t-il évolué au fil des années ? Est-ce que tu t’adaptes aux tendances ?
Mon style est un mélange de beaucoup de choses, de voyages et de nouveautés. J’ai étudié les Beaux-Arts et mes références picturales sont Velázquez et Edward Hopper. Ça peut paraître prétentieux, mais c’est la vérité. Et quand je dis que ce sont mes références, ça veut dire que je sais qu’ils sont inatteignables, mais qu’ils m’éclairent toujours. Encore une question d’âge, mais petit, j’avais toute la collection de Super Humor à la maison, et mon préféré, c’était 13 Rue del Percebe. Avec les années, je suis devenu un grand fan de Bob l’Éponge. Les Simpson, Astérix et Obélix, etc. — tout ça transpire dans mes dessins.
Les tendances, c’est une malédiction. Quand tu essaies de les suivre, elles te renversent. Le mieux, c’est de travailler en restant perméable et de chercher à s’améliorer. Essayer de copier quelque chose, c’est se mentir à soi-même.
4- Comment as-tu eu l’opportunité d’illustrer Cathood ? Pourquoi penses-tu que nous t’avons choisi pour illustrer et concevoir ce jeu ?
Pour moi, ça a été une véritable surprise. Peut-être que le fait de m’appeler Gatotonto a un peu joué, mais au-delà de ça, il y avait dans le jeu des éléments pour lesquels ils pensaient que je pourrais apporter une belle touche visuelle. Je me souviens aussi qu’ils avaient beaucoup aimé les illustrations de Barrio.
5- Quel a été le processus créatif pour développer les illustrations de Cathood ?
La première chose, quand on illustre un jeu, c’est de bien le comprendre. Lire les règles, s’imprégner de l’univers s’il y en a un, jouer au prototype si possible, et proposer une direction artistique générale. Pour moi, c’est un bon point de départ : déterminer quel composant du jeu est le protagoniste, car cela influence ensuite le style de tout le reste. Pour moi, les chats étaient les personnages principaux, et c’est par là que j’ai commencé. J’ai aussi trouvé utile d’imaginer physiquement un endroit réel dans le monde où se déroulerait le jeu.
6- Pourrais-tu décrire ton processus de travail, du croquis initial à l’illustration finale ?
J’aime faire un travail de recherche approfondi sur l’ambiance : chercher beaucoup d’images, lire, etc. Et tant que les croquis ne sont pas parfaitement clairs, je ne commence pas les dessins définitifs, car cela représente une perte d’énergie et de motivation considérable.




7- D’où as-tu tiré ton inspiration pour les illustrations de Cathood ? Y a-t-il un artiste, un courant artistique, un film, un jeu vidéo, une œuvre d’art, etc., qui a particulièrement influencé ton travail ?
Je crois que je me suis inventé tout un film dans ma tête, et en plus, l’auteur du jeu avait déjà très bien défini l’univers. J’ai beaucoup pensé à des films de bagarres de quartier, de bandes, de mafias, de petits voleurs, etc., mais rien de précis en particulier.
8- As-tu une anecdote amusante ou intéressante survenue pendant le développement des illustrations du jeu ?
La meilleure anecdote, c’est que je suis allergique aux chats.
9- Y a-t-il un chat en particulier — réel ou fictif — qui a influencé tes illustrations ?
L’auteur est un grand amoureux des chats, et j’avais énormément d’informations pour les concevoir. Mais personnellement, le chat de l’un de mes meilleurs amis était très présent dans mon esprit et a inspiré l’apparence de l’un des personnages principaux.
10- Y a-t-il un personnage ou une illustration en particulier qui a été particulièrement difficile à réaliser ?
Ce qui a été le plus difficile pour moi, ce sont les expressions du visage. Humaniser les traits sans tomber dans un style qui ne correspondait pas à ce que je voulais a été un vrai défi.
11- As-tu travaillé en étroite collaboration avec l’auteur du jeu pour t’assurer que les illustrations étaient en accord avec la mécanique et la narration du jeu ?
Oui, j’ai parlé périodiquement avec lui et j’ai reçu ses retours. C’est toujours une chance de pouvoir rencontrer les auteurs et de s’imprégner de la manière dont ils voient le jeu dans leur tête. Dans leur esprit, le jeu existe déjà car ils ont dû le visualiser de nombreuses fois — et c’est une image avec laquelle tu sais que tu vas être constamment comparé.
12 – Dernièrement, on te voit partout : tu illustres Cites, Conservas, et tu as reçu le prix de Meilleur Illustrateur d’Análisis-Parálisis (canal espagnol) Raconte-nous un peu plus à ce sujet et comment tu penses avoir réussi cela :
Même dans mes rêves les plus fous, je n’aurais jamais imaginé que quelque chose comme ça puisse m’arriver. Il y a deux ans, je découpais des petits bouts de papier et je faisais mes premiers prototypes. Je ne connaissais absolument personne dans le milieu. Remporter en plus trois prix avec Barrio a été quelque chose que je n’arrive toujours pas à réaliser. Mais surtout, je suis reconnaissant envers les personnes qui ont cru en moi dès le début, alors que je n’étais absolument personne dans ce domaine. Certaines ont même pris le risque de miser leur propre argent pour publier mes premiers jeux. Folie totale !


13 – Que recommanderais-tu à un designer ou illustrateur de jeux qui débute ?
Pour moi, les conseils qui m’ont le plus aidé sont toujours liés à la formation et à l’apprentissage continus. Il faut apprendre autant que possible, tout en faisant chaque jour de ton mieux, avec sincérité et honnêteté dans ce que tu fais. Je pense que ça s’applique à tout. Si je n’avais pas autant étudié, joué à beaucoup de jeux, lu, regardé… je ne serais pas la personne que je suis aujourd’hui.
Ah, et surtout, amuse-toi dans ce que tu fais !

