Interview d'Alberto Millán, auteur de Zoogitives

Alberto Millán autor de Zoogitives
Chargement en cours... 61 vue(s)
Interview d'Alberto Millán, auteur de Zoogitives

Nous avons interviewé Alberto Millán, auteur de Zoogitives, le jeu qui a été finaliste du 1er Concours de création de jeux Zacatrus et qui a également remporté le Prix du Jury Externe, composé de Análisis Parálisis, Juegocondriacos, La Mesa de Dam et La Mazmorra de Pacheco.

 

1- Parle-nous un peu de toi : 

Je suis ingénieur en informatique, j’ai 37 ans et une petite meeple de 2 ans. Je travaille comme concepteur logiciel pour des imprimantes 3D à Barcelone, mais je viens en réalité de Saragosse, donc après 14 ans passés près de la Méditerranée, je me sens un peu des deux côtés.

Concernant mes autres jeux, j’ai créé : Paradox University, Sherlock entre tumbas (GDM y Enigma Studio), Viaje al centro de la Tierra (Looping Games), Kapadokya (Falomir juegos), Topo Chef (Cayro), Phraya (DMZ games), Monstrys Roll & Paint (Enpeudejoc Edicions), Moriai (Devir Iberia) et 20.000 leguas de viaje submarino (Looping Games).

2- Comment s'est déroulé le processus de création de jeu avec Zacatrus? 

Une merveille ! J’espère qu’il y aura encore de nombreux projets avec Zacatrus. Je suis particulièrement satisfait du résultat, car l’éditeur a cherché les meilleurs composants pour donner vie au jeu, et certains d’entre eux surprendront par leur originalité. Le travail graphique et artistique est assuré par Jose Soto en tant qu’illustrateur et Sergio Ortiz comme directeur créatif et artistique. Ce sont deux professionnels du secteur avec qui j’avais très envie de travailler, et le résultat va vous plaire. Zacatrus est aussi une maison d’édition qui vous implique beaucoup dans le développement du jeu et dans chaque décision le concernant. Je suis donc ravi de ce que nous construisons ensemble, et je suis sûr que, avec autant de soin, nous aurons un excellent jeu.

3-  Comment s’est passée l’expérience de préparer et présenter ton jeu au concours ?

 C’était un plaisir d’être l’un des gagnants de cette première édition avec le prix du jury externe, et surtout d’obtenir un prix encore plus important : la publication de Zoogitives. La partie la plus difficile pour moi a été la vidéo. C’est en quelque sorte la porte d’entrée de ton jeu et le premier critère de sélection du concours. Il faut réaliser une vidéo qui attire immédiatement l’attention et qui transmette bien les mécaniques et dynamiques principales du jeu.

4- Quelle a été l’inspiration derrière l’idée originale de ton jeu de société ?

 Un Noël, j’ai trouvé un Master Mind chez ma belle-mère. Ce jeu repose sur une mécanique de déduction où l’on doit identifier les différences entre un modèle de couleurs cible et celui qu’on tente de reconstituer en tant que joueur.

J’ai trouvé cette idée intéressante et j’ai pensé qu’on pouvait la revisiter. En y réfléchissant, je me suis rendu compte qu’un dé pouvait avoir trois états : La valeur de la face, La couleur du dé, L’emplacement où il se trouve.

5- Comment le concept initial a-t-il évolué au fil du temps ? 

L’idée est partie de cette volonté de réinventer la mécanique du Master Mind. J’ai pris un dé chez moi, où chaque face était d’une couleur différente, et j’ai dessiné un icône distinct sur chacune. Ensuite, je l’ai placé sur un petit plateau, et j’ai réalisé qu’il avait trois états en même temps : la couleur, l’icône et la case qu’il occupait. Je voulais vraiment créer un jeu de déduction, et en ajoutant cinq autres dés avec des combinaisons de couleurs et d’icônes différentes, je pouvais obtenir un jeu où les interactions avec les dés fourniraient des indices sur notre proximité ou éloignement de la solution d’un adversaire.

Les actions de base étaient claires : Retirer un dé, Ajouter un dé, Changer la face d’un dé.

J’ai alors cherché un thème qui ferait sens avec ces actions. L’idée des fugitifs après un braquage est venue naturellement : ils disparaissent de la carte (actions de retirer et ajouter) et la modification de la face d’un dé représentait le changement de visage utilisé dans de nombreux films pour se fondre dans la masse. Finalement, les voleurs sont devenus des animaux, car les visages humains sur des dés risquaient de trop se ressembler. Le règne animal permettait une différenciation plus marquée.

6- Peux-tu parler du développement du prototype ? 

Le développement de Zoogitives a commencé quelques jours après le confinement de 2020. C’était mon projet de confinement, mais le problème, c’est que nous étions seulement deux chez moi… et le jeu nécessitait trois joueurs. J’ai donc créé une version numérique pour pouvoir le tester en ligne et le montrer à plus de monde. Une fois les événements en présentiel relancés, j’ai pu organiser des tests avec des groupes plus grands.

Même après avoir soumis le jeu à Zacatrus, les tests ont continué. En fait, la version finale du jeu est légèrement différente de celle présentée au concours.

7- Quels ont été les plus grands défis rencontrés ? 

C’était mon premier jeu de déduction en tant qu’auteur. J’avais déjà participé à Sherlock : entre tombes, mais en tant que scénariste, pas en tant que créateur de mécanique. Un autre défi était de simplifier la complexité du jeu. Résoudre Zoogitives n’est pas facile. Il fallait réduire la difficulté autant que possible. Cela a conduit à : remplacer les humains par des animaux (visages plus faciles à distinguer), réduire le nombre de villes de neuf à six, concevoir des feuilles d’aide pour la déduction.

8- Y a-t-il eu des changements majeurs après les tests ?

Oui ! La thématique des braquages et fugitifs est restée la même, mais la mécanique a beaucoup évolué. Par exemple : Déplacer un dé en changeant sa face rendait la déduction trop compliquée, donc cette action a été supprimée. Les résolutions publiques donnaient un avantage trop grand aux joueurs suivants, donc elles ont été modifiées. Une mécanique de rapidité (placer un pion pour résoudre en premier) a été retirée, car elle brisait le rythme stratégique du jeu.

9- Qu’est-ce qui prime pour toi : la thématique ou la mécanique ? 

Aucun des deux ! Je préfère penser en termes d’expérience à créer. Dans Causeway (mon autre finaliste chez Zacatrus), je voulais que les joueurs aient la Chaussée des Géants sous leurs yeux en fin de partie, donc c’était thématique. Pour Zoogitives, je voulais que les joueurs manipulent des dés sans les lancer, donc la mécanique est venue en premier, et le thème après.

10- Quelle a été ton approche principale pour offrir une bonne expérience aux joueurs ?

 Je pense que le secret pour créer un bon jeu réside dans un équilibre entre des règles simples et une grande profondeur de jeu. Cela s’applique aussi bien aux fillers qu’aux eurogames complexes. Aujourd’hui, de plus en plus de jeux adoptent un style où l’on choisit "une action parmi trois", plutôt que des jeux avec de nombreuses phases et sous-phases. Si tu conçois un jeu qui allie accessibilité et richesse stratégique, alors il y a de grandes chances qu’à la fin de la partie, les joueurs disent : "On en refait une ?" 

11- Y a-t-il des éléments créatifs spécifiques que tu considères comme clés pour le succès de ton jeu ?

 Je pense que utiliser un composant de manière inédite est un élément disruptif très apprécié par les joueurs. Par exemple, lorsque je présentais Zoogitives, je le décrivais comme un jeu de dés où l’on ne lance pas les dés. Ce genre d’originalité est un véritable atout. D’un autre côté, réinventer une mécanique classique est souvent une recette gagnante. La Tripulación l’a fait avec les jeux de plis, Misión Cumplida avec l’UNO… et Zoogitives réinvente la mécanique du Master Mind. Cette modernisation d’un concept bien connu fonctionne bien, car elle facilite l’adhésion rapide du public.

12- Quels conseils donnerais-tu aux créateurs de jeux de société qui envisagent de participer à des concours ou de concevoir un jeu ?

Premier conseil : joue beaucoup.  Un réalisateur ne peut pas faire un bon film sans en avoir vu des centaines. Il en va de même pour la création de jeux : jouer énormément permet de mieux comprendre les mécaniques existantes et de voir comment d'autres créateurs ont résolu des problèmes similaires aux tiens.

Deuxième conseil : persévère. Quand on voit un jeu publié ou récompensé, on a l'impression que le succès est immédiat. Mais en réalité, les échecs restent invisibles. Derrière chaque réussite, il y a des prototypes abandonnés et des dizaines de refus. Moi-même, j’ai un tiroir rempli d’idées qui n’ont pas abouti et une boîte mail pleine de messages du type : "Nous sommes désolés, votre prototype n’a pas été retenu."

L’important, c’est de continuer à essayer et à apprendre de chaque expérience. 

Commentaires
Laisser votre commentaire
Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.